Une procédure devant les tribunaux est souvent longue, coûteuse et une épreuve psychologique lourde pour les victimes du distilbene DES
Intervention d’ Emmanuelle Brun, Vice-présidente de Réseau DES France, durant le colloque “Faut-il repenser le droit des victimes d’effets indésirables de médicaments ?“, Mars 2015.
Les procès DES sont pour la plupart intentés au civil. Notre expérience nous permet de témoigner aujourd’hui des obstacles juridiques rencontrés par les plaignantes.
Les premières procédures ont été intentées en 1990 par des filles atteintes d’une forme grave de cancer : l’adénocarcinome à cellule claire (ACC). Leurs difficultés furent les suivantes:
- obtenir que le droit français change car il ne prévoyait pas qu’une fille de la femme ayant absorbé le médicament puisse être reconnue en qualité de victime.
- trouver des experts médicaux qui puissent se prononcer sur l’état des connaissances scientifiques au moment des prescriptions. Ces médecins ont travaillé pendant 5 ans pour établir un rapport qui permettra par la suite aux juges de prononcer le manquement du laboratoire à l’obligation de vigilance.
Il faut aussi toujours:
- établir la preuve de son exposition. Jusqu’en 2009, produire un document source (ordonnances, dossiers médicaux des mères) était indispensable, ce qui était loin d’être aisé étant donné l’ancienneté des faits. Depuis 2009, dans certaines situations, le dossier de la plaignante peut suffire à prouver son exposition.
- démontrer le lien de causalité entre l’exposition et la survenue des préjudices d’où l’importance de l’expertise médicale. Expertise si souvent douloureuse pour les victimes par manque d’informations, d’explications et du fait de l’attitude très culpabilisante des laboratoires.
- agir dans les délais, sous peine de se voir opposer la prescription. Lorsque ces femmes exposées se décident à saisir la justice, il est parfois déjà trop tard au regard de la loi. Ceci est une source supplémentaire d’incompréhension de la part des victimes.
De plus, les laboratoires utilisent tous les recours possibles : la longueur des procédures épuise physiquement, psychologiquement et financièrement les victimes. Je vous livre ces quelques lignes d’une « fille DES » qui relate son parcours dans la presse:
« (…) Nous avons saisi le tribunal civil en 2000(…). J’ai gagné mon procès le 31octobre 2008. Le laboratoire a été condamné à me verser 26000euros. Mais il a fait appel et a gagné. Je n’ai pas pu lire le compte rendu du juge tellement j’étais choquée. Médicalement, tout est prouvé. Le pire, c’est que pour me pourvoir en cassation il faut que je rembourse cette somme (…). Je rembourse 470euros par mois au laboratoire. Je gagne 1 660euros par mois, c’est très lourd. J’ai déjà perdu pas loin de 15 000euros dans les frais de justice, que je ne récupérerai sans doute jamais. On paie tout : avocat, huissier, rapport médical, avoué, etc. Il faut être riche pour aller en justice, je ne le suis pas. Je suis épuisée financièrement et moralement, j’ai envie de passer à autre chose dans ma vie. Je me demande si je ne ferais pas mieux d’arrêter. Pour le Mediator, il y a une indemnisation. Pour le Distilbène, il n’y a rien. »
Combien de victimes du DES qui vont en justice obtiennent-elles de dommages et intérêts ? Question difficile car les procédures, comme je viens de le décrire, sont toutes complexes, individuelles, et longues (dizaine d’années).
Face aux nombreux témoignages similaires recueillis, nous sommes devenus partenaires de la fédération des accidentés de la vie, la FNATH, afin que les victimes du Distilbène puissent être accompagnées par des juristes spécialisés dans ce type de procédures. Notre objectif depuis notre création : l’information juste et indépendante afin que ces femmes puissent faire un choix éclairé notamment avant d’agir en justice.
Pour conclure mon intervention, je dirais que notre association est là pour aider, accompagner la réflexion. Avant d’être une réparation légitime, le procès est un véritable combat. C’est une épreuve judiciaire qui s’ajoute à l’épreuve médicale. C’est pourquoi nous militons au sein de ce collectif : pour que le précepte bien connu suivant lequel « l’union fait la force » trouve une réalité législative. Formulons le vœu, aujourd’hui, que le législateur en passe de voter la loi de santé entende notre histoire et dote, enfin, les victimes des effets indésirables de médicaments, de dispositifs favorables.
Le Distilbène DES, en savoir plus
- Références : média et texte, Prescrire, Mars 2015.
- Procès liés au distilbène et recommandations juridiques.
- Etudes sur le DES par catégories.