Extrait du compte-rendu de la réunion juridique d’information et de débat du 14 septembre 2013 à Paris
Notre partenariat fonctionne depuis 2009/2010. Nous partageons des valeurs éthiques communes. La FNATH porte des combats auxquels Réseau DES France est attaché, comme par exemple celui des actions de groupe. Réseau DES France étant adhérent à la FNATH, en tant que personne morale, le coût pour une aide juridique n’est constitué que de la cotisation annuelle “conseil et défense” de 134 euros, somme modique par rapport à celle demandé par un avocat.
Ainsi, une analyse juridique du dossier est effectuée. Si une procédure semble possible, la personne peut décider, ou pas, de poursuivre avec l’aide de la FNATH. La Fédération complète alors le dossier, qui sera plaidé par Me Felissi. La personne signe une convention d’honoraires, mais là également, la somme est modique. Me Felissi est habilité à plaider à Nanterre, TGI compétent, les sièges sociaux des deux laboratoires dépendant de cette juridiction.
2 questions récurrentes :
- Pouvons-nous garantir qu’une procédure va aboutir avec succès ? Non, on ne peut jamais être sûr qu’une procédure va aboutir favorablement. Néanmoins, avec ce partenariat, on sait dès le départ si l’on a une chance ou pas d‘aboutir…
- Question de confidentialité : elle est garantie.
Remarque dans la salle : Pourtant l’arrêt de la Cour de Cassation de 2009 montre que la preuve de l’exposition n’a pas toujours été exigée, dans la mesure où il s’agit d’une pathologie caractéristique du Distilbène comme dans les cancers ACC…
Nathalie : Malheureusement si, il faut apporter la preuve de l’exposition in utero au DES, c’est indispensable.
En 2009, la Cour de Cassation a rendu deux arrêts, concernant tous deux des dossiers de cancer ACC.
- Dans le 1er dossier, les médecins qui avaient soigné la personne avaient mis son cancer ACC en lien avec une exposition in utero au DES. Cela figure dans les comptes-rendus médicaux de l’époque.
- Dans le 2ème dossier, les médecins n’avaient pas mis en lien le cancer ACC de leur patiente avec une exposition in utero au DES. Dans les comptes-rendus médicaux, le DES n’est jamais mentionné. La Cour de Cassation a débouté cette personne.
Pourtant, ce n’est pas sur les faits que la Cour de Cassation a statué, mais sur l’application du droit : elle n’a pu statuer qu’à partir d’une formulation de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel.
Nathalie : Oui, en effet, la Cour de Cassation n’a pas cassé l’arrêt de la Cour d’Appel, car elle n’a pas relevé de contradiction entre deux règles de droit sur lesquelles s’appuie l’arrêt, puisque dans ce dossier, l’exposition in utero au DES n’était pas établie, contrairement à l’autre dossier.
C’est d’ailleurs pour cela que la Cour de Cassation a publié un communiqué explicatif de ces deux décisions, qui, lorsque l’on ne dispose pas des éléments du dossier, paraissent contradictoires.
Stéphane : rappelons que 40% des cancers ACC ne sont pas en lien avec le DES. Cette marge d’incertitude importante bénéficie aux laboratoires. Dans ce dossier, la personne a toujours été déboutée : au TGI, en Cour d’Appel, puis en Cour de cassation. Elle n’a jamais obtenu qu’une expertise médicale soit ordonnée. Cela montre bien l’extrême importance de ces expertises médicales.
Me Felissi : il y a, à mon sens, deux niveaux de débat : d’une part, ce que l’on peut retenir d’un arrêt de cour de cassation et en donner comme interprétation et d’autre part, ce que les personnes entendent et comprennent lorsqu’elles sont dans une situation donnée. Je suis plus prudent, car une personne victime peut comprendre que, dès lors qu’il y a un cancer ACC, la preuve est établie. Je trouve cela dangereux, car cela laisse à croire qu’il n’est pas besoin de “travailler” un dossier, qu’une pathologie “signature” suffit. Un dossier se construit avec différents éléments et c’est une fois qu’il est constitué que l’on peut décider, ou non, d’aller en justice. Il y a beaucoup de raisons de ne pas partir en justice : c’est long, coûteux, c’est l’histoire d’une vie. Lorsqu’on voit le parcours de cette personne, quatre procès, et ce n’est pas fini… Moi je n’ai jamais envie d’engager des personnes dans des procédures qui vont durer 15 ans. On n’est pas, là, dans du droit commercial. Donc, dire de façon abrupte que dès lors que la Cour de Cassation a statué, c’est gagné, est dangereux. Dans une assistance où il y a des victimes, il faut rester prudent. Il faut donc cerner la motivation de la personne, car, de toute façon, on engage cette personne pour des années de procédures.
Dans le cas de l’amiante, lorsqu’une personne présente un mésothéliome, la littérature scientifique est tranchée: on sait que ce cancer est provoqué par l’amiante. Dans les cas des ACC, il n’y a pas la même proximité : lorsqu’on est dans un pourcentage 60-40, c’est plus délicat.
En 2012, la cour d’appel de Paris a examiné 2 dossiers :
- Le premier dossier concerne la personne victime du cancer ACC, pour lequel la Cour de Cassation avait renversé la charge de la preuve. Lorsqu’on lit l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris, on constate qu’un travail très pointu a été fait lors de l’expertise, avec argumentaire et contre argumentaire appuyés sur la littérature scientifique. Un vrai travail de fond a été effectué sur la recherche de la preuve et sur l’imputabilité.
- Le second dossier ne concernait pas un cancer ACC, mais un parcours obstétrique difficile, la personne n’ayant pas réussi à avoir d’enfant. Cette personne a été déboutée, sans avoir pu obtenir qu’une expertise soit ordonnée, car elle est porteuse d’anomalies connues en dehors de l’exposition au DES, et elle n’a rapporté dans son dossier, que deux attestations de sa mère. Le dossier médical de suivi de grossesse de sa mère a été retrouvé, et il n’est pas fait mention de prescription de Distilbène.
Effectivement, lorsqu’on est en face d’une pathologie signature, le chemin est moins difficile, car il y a moins d’obstacles à franchir, mais je ne suis pas à l’aise avec la formulation qui consiste à dire que dès lors que l’on a une pathologie signature, le procès est gagné.
Réseau DES France m’a demandé de réaliser des vidéos explicatives de ces deux décisions, qui sont en ligne sur leur site internet.
La preuve de l’exposition
Me Felissi : Il y a différents lieux et différents endroits : à la faculté de droit, dans un déjeuner entre confrères… on peut être très technique. Lorsqu’on est en face des victimes, je ne suis pas persuadé qu’elles vont faire le distinguo entre la preuve de l’exposition et le reste. Il faut faire attention, car les victimes ne vont pas entendre que c’est difficile, elles vont seulement entendre que la Cour de Cassation a indiqué qu’une pathologie “signature” est “suffisante“.
En fait, la cour d’appel, juridiction de fond, fait ce qu’elle veut, dans la mesure où elle est à même de faire une interprétation large ou pas des pièces qui lui sont soumises. La formulation même de l’arrêt qu’elle rendra, peut compromettre un recours en Cour de Cassation…
Me Felissi : en effet, nous sommes d’accord. Ce qui compte donc, c’est de travailler le dossier pour que les juges ne puissent pas interpréter les pièces de manière large ou restreinte. Il faut travailler le dossier afin que les juges ne puissent pas prendre une position uniquement d’après les jurisprudences.
Pour un démarrage de procédure avec la FNATH, globalement, combien faut-il mettre de côté ?
Me Felissi : La convention d’honoraires figure sur le site de Réseau D.E.S. France. Les honoraires prévus sont de 1500 euros, ils peuvent être pris en charge par un contrat d’assurance de protection juridique, sans honoraires de résultats complémentaires.
A mon sens, ce qui compte surtout c’est que la personne soit en confiance avec l’avocat qui la défend. Il faut bien se mettre d’accord avec la victime sur les chances de gagner le dossier, car les dossiers DES sont très complexes et longs.
Références
- Lisez le compte rendu complet de la réunion juridique d’information et de débat Réseau DES France du 14 septembre 2013 à Paris.
- Image crédit FNATH.