Un précédent manqué : le Distilbène DES

Contribution à une sociologie de l’ignorance

Résumé

“Les effets observés chez les victimes du Distilbène® sont semblables à ce que l’on observe chez les animaux contaminés, dans la nature et en laboratoire, nous incitant à penser que les humains partagent les mêmes risques environnementaux que la faune sauvage.”

(Wingspread conference, 1991).

Le Distilbène a été identifié dès le début des années 1990 comme le premier perturbateur endocrinien, à partir duquel on peut anticiper les effets à long terme d’un grand nombre de substances chimiques sur la capacité reproductive humaine. Pourtant, l’histoire française du Distilbène® est celle d’oublis, de négligences et de refus d’apprentissage qui se répétèrent jusqu’au début des années 2010. Sur la base d’une enquête sociologique qualitative, cet article éclaire les différents mécanismes de production d’ignorance qui firent du Distilbène® un précédent manqué. Nous avons identifié trois processus complémentaires permettant de comprendre la marginalisation de ce dossier :

  1. l’absence d’identification des populations exposées,
  2. la faible accumulation et diffusion des connaissances,
  3. la singularisation durable du dossier.

Sciences Sociales et Santé,
Vol. 34, n° 3, pp. 47-75, septembre 2016

Merci à Stéphane Horel de son soutien et à Réseau DES France de leur combat et encouragements.

Tirer des leçons d’événements sanitaires dramatiques pour réformer les manières de gouverner les risques est devenu un lieu commun. Que ce soit par la création de structures administratives de traitement des alertes (Foures, 2011), l’institutionnalisation de l’expertise (Benamouzig et Besançon, 2004 ; Barbier et Granjou, 2005) ou le partage d’études de cas exemplaires (European Environment Agency, 2001), la figure de l’apprentissage par les erreurs, les manques et les fautes semble régner dans le domaine sanitaire. Elle ne peut être simplement interprétée comme un mode de gouvernance permettant de solder le passé à peu de frais ; en effet, cette figure de l’apprentissage constitue une ressource essentielle pour les lanceurs d’alertes qui ont besoin de précédents tangibles afin d’être entendus (Chateauraynaud et Torny, 1999). C’est précisément ce rôle qu’a joué le diethylstilbestrol (DES) dans l’histoire des perturbateurs endocriniens. Prouvant aux yeux des scientifiques réunis à Wingspread en 1991 que les humains étaient susceptibles de subir l’effet des polluants environnementaux tout autant que les animaux sauvages (Colborn et al., 1997), permettant de tester sur divers animaux de laboratoire de nouvelles hypothèses toxicologiques, le DES s’est imposé comme le prototype des perturbateurs endocriniens (Krimsky, 1999). Synthétisé par le britannique Charles Dodds en 1938, le DES a été la première hormone artificielle mise sur le marché. Autorisé pour différents usages aux États-Unis en 1941, à une époque de très forte valorisation médicale des oestrogènes, il a été massivement utilisé chez les femmes enceintes afin de prévenir les fausses couches. Outre-Atlantique, la prescription du DES a atteint son maximum dans les années 1950. C’est à cette époque qu’a réellement débuté sa prescription en France, presque exclusivement sous la dénomination commerciale de Distilbène® par le laboratoire UCB Pharma, avant d’atteindre son pic de vente à la fin des années 1960. En avril 1970, Arthur Herbst et Robert Scully publiaient dans Cancer l’étude de 6 cas de cancer du vagin à cellules claires (ACC) chez des jeunes filles âgées de 15 à 22 ans. Poursuivant l’investigation sur ce cancer extrêmement rare, l’équipe de Herbst montrait en 1971 dans le New England Journal of Medicine (NEJM) qu’il était associé à une exposition in utero au DES durant le premier trimestre de la grossesse. Pour la première fois, un lien direct était établi entre la consommation d’un médicament pendant la grossesse et des effets morbides sur la descendance à une distance temporelle considérable. Si cette découverte a joué un rôle central dans l’émergence de nouvelles questions dans le monde académique, l’effet de surprise qu’elle a produit témoigne a contrario d’une absence de vigilance aux dangers du DES jusqu’en 1970 (Langston, 2010). Elle ne doit pas non plus occulter les grandes difficultés de prise en charge ultérieure des populations exposées (Bell, 2009). Ces travaux ont permis d’analyser la longue trajectoire de cet échec sanitaire et médical aux États-Unis ; en revanche, l’histoire française du Distilbène® demeurait totalement inexplorée. Nous l’avons reconstituée en collectant et analysant de nombreuses sources écrites éparses (littérature scientifique et administrative, médias audiovisuels et presse écrite, archives privées), et en menant une centaine d’entretiens avec des médecins, chercheurs, militants et personnes exposées.

Un précédent manqué : le Distilbène® et les perturbateurs endocriniens. Contribution à une sociologie de l’ignorance. Emmanuelle Fillion, Didier Torny, Sciences Sociales et Santé, Vol. 34, n° 3, septembre 2016, pp. 47-75, doi: 10.1684/sss.20160303, 22 Sep 2016.

Hal-SHS Archives Ouvertes, halshs-01370188, 22 Sep 2016.

Nous avons été très attentifs à l’ensemble des formes d’apprentissage sociales, juridiques, cliniques, scientifiques induites par le DES. Il faut savoir néanmoins que le dénombrement et la dénomination même des victimes est problématique du fait de leur très faible visibilité : elles sont apparues au cours de l’enquête comme des sentinelles oubliées. Ce résultat se situe donc, à contre-courant d’une hypothèse initiale d’apprentissage par le DES, dans la lignée de travaux contemporains sur les formes d’oubli et d’invisibilité : ces dernières relèvent moins de processus d’organisation volontaire (Markowitz et Rosner, 2002) que de l’absence de construction de « centres de calculs » (Dérosières, 1995) et de partage d’expérience. L’histoire française du DES s’écrit « en creux », en fonction de ce qui n’est pas advenu plutôt que de faits positifs, renvoyant à la négligence et à l’oubli plus souvent qu’à un engagement des acteurs de la santé publique. Notre enquête a ainsi permis d’écrire une histoire continue d’abandon, de refus d’informer les patients, d’invisibilisation médicale et administrative. Aussi, cet article contribue à la littérature sur la production de l’ignorance (Proctor et Schiebinger, 2008) en analysant trois processus qui ont empêché de constituer le dossier Distilbène® comme précédent : l’absence d’identification des populations exposées, la limitation de la production et de la diffusion de savoirs associés, et enfin un processus durable d’isolement du dossier.

1. L’absence d’identification des populations exposées

De nombreuses politiques de prévention sanitaire se sont fondées sur l’information des personnes avant même qu’elles ne deviennent des malades, notamment par l’extension des dépistages. A contrario, d’autres populations, pour lesquelles des sur-risques sont avérés, ne sont ni suivies ni informées : c’est notamment le cas des salariés exposés dans un cadre professionnel (ThébaudMony, 1991) ou des habitants de zones contaminées (Murphy, 2013). Le cas du Distilbène® exemplifie celui de populations soumises à une exposition médicamenteuse : hémophiles et transfusés, ou enfants traités par l’hormone de croissance extractive, femmes ménopausées traitées par des hormones de substitution, victimes du Vioxx® ou du Mediator®. Il porte néanmoins une singularité : si toutes ces populations ont été averties très tardivement des possibles effets délétères de leurs traitements, les descendants des mères traitées au Distilbène® ne savent souvent pas qu’ils ont été exposés. Cette absence d’identification des populations concernées s’est opérée à trois niveaux pendant une quarantaine d’années. Premièrement, les femmes auxquelles du DES avait été prescrit, pour la plupart, faute d’information ciblée et de rappel, n’ont pas su qu’elles avaient pris un médicament dangereux. Deuxièmement, leur descendance, les enfants DES, n’ont pas su qu’ils avaient été exposés in utero. Troisièmement les professionnels, en dépit de campagnes ciblées d’information, sont restés largement ignorants des problèmes associés au DES et n’ont pas recherché les personnes exposées dans leur patientèle, ni investigué les dangers encourus par ceux ci.

L’alerte américaine largement négligée

Dans son article d’avril 1971 du NEJM, l’équipe de Herbst concluait par un appel à la vigilance chez les jeunes filles présentant des saignements anormaux et déconseillait toute prescription du DES en début de grossesse. Cette publication fut considérée comme une alerte qui, en novembre 1971, aboutit à la contre-indication de la prescription aux femmes enceintes aux États-Unis. Elle motiva également la constitution d’un premier registre des cancers ACC. Des analyses secondaires sur l’histoire maternelle, la nature des tumeurs ou les succès thérapeutiques furent régulièrement publiées sur la base des cas ainsi colligés. En France, cette alerte n’a d’abord pas été relayée, puis elle a été peu entendue. À l’époque, il n’existait pas de structure de pharmacovigilance permettant de diffuser la décision américaine. De plus, rares étaient les médecins français abonnés aux revues médicales américaines. Albert Netter, alors l’une des grandes figures de la gynécologie française, était une exception. Il avait créé en 1971 des Journées de formation médicale continue destinées aux gynécologues-obstétriciens et, l’année suivante, il y invita Herbst. Mais la majorité de l’élite professionnelle présente refusa de croire aux effets délétères du Distilbène®. Un témoin de l’époque rapporte:

« Trois grands gynécologues français ont dit : “Mais bien sûr, c’est pas parce que dans un coin des USA on a trouvé un nombre important de cancers… Il peut y avoir un nombre important de facteurs” ».

Certains médecins pointaient les différences de dosage ou de modalités d’administration, notamment l’usage combiné du DES et des progestérones. Cela les amenait à considérer que l’alerte américaine n’était pas valide dans le contexte français, une figure de délimitation ultérieurement utilisée dans les dossiers de la contamination transfusionnelle (Fillion, 2009) et des traitements hormonaux de substitution (Löwy et Gaudillière, 2006). Une minorité estima toutefois l’alerte fondée et communiqua ces résultats dans la presse médicale française , insistant sur la nécessité d’arrêter toute prescription aux femmes enceintes et de surveiller les jeunes filles exposées présentant des saignements inexpliqués. Une jeune obstétricienne qui avait prescrit du DES, Janine Henry-Suchet, décida de rappeler ses patientes. Elle leur proposa de suivre leurs filles en pratiquant un examen relativement simple et peu traumatisant en vue de dépister précocement d’éventuels cancers ACC. Convaincue du bénéfice de cette clinique adaptée, le Dr Henry-Suchet tenta de mobiliser ses collègues : elle demanda au Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) d’organiser une information systématique. Après une âpre négociation, elle finit par obtenir que la société savante lui transmette les adresses de ses membres, auxquels elle écrivit elle-même. D’après l’entretien qu’elle nous a accordé en octobre 2010, seuls trois lui ont alors répondu. Ainsi, quand les connaissances issues des travaux américains ont commencé à circuler en France, elles n’ont été que peu prises en considération. La publication en 1975 d’un premier cas de cancer ACC chez une jeune fille française exposée au DES changea la donne. À cette époque naissait la pharmacovigilance française, mais celle-ci s’était organisée autour des centres anti-poisons et, en conséquence, elle était principalement focalisée sur les effets aigus et rapides des toxiques. Les effets indésirables des médicaments étaient traités de la même manière que des expositions accidentelles à d’autres substances chimiques ou agents biologiques. Les effets à très long terme et sur la descendance du Distilbène® ont donc été considérés comme une bizarrerie, voire un dossier unique en son genre. Néanmoins, la publication du cas de cancer a été suffisante pour entraîner un avis de la Commission nationale de la pharmacovigilance. Celle-ci était alors animée par une volonté de réforme concernant l’information sur les effets indésirables des médicaments, les affaires publiques s’étant multipliées depuis le précédent du Stalinon à la fin des années 1950 (Bonah et Gaudillière, 2007). Demandée par le cabinet de Simone Veil, alors ministre de la Santé, et portée par un jeune pharmacologue, JeanMichel Alexandre , cette réforme visait à standardiser l’information sur les effets délétères médicamenteux. Après avoir envisagé de publier ces éléments dans un document officiel, la « Commission Alexandre » a proposé de les inclure dans le Dictionnaire Vidal des médicaments, publication financée par l’industrie et envoyée gratuitement aux prescripteurs. C’est ainsi que le Distilbène® cessa d’être indiqué pour la prévention des fausses couches en 1976, que la grossesse fut pointée comme une contre-indication en 1977, et qu’à l’achèvement du processus d’harmonisation en 1978, il fut indiqué : le « Distilbène® est contre-indiqué chez la femme enceinte ou susceptible de l’être : des adénoses vaginales et même des cancers du vagin ont été signalés chez des filles pubères et des jeunes femmes dont la mère avait absorbé du diéthylstilbestrol ou des substances œstrogéniques voisines durant la grossesse ». Le degré réel d’information des prescripteurs à cette époque demeure incertain. UCB Pharma a affirmé depuis avoir missionné de nombreux délégués médicaux en 1976 afin d’avertir les médecins libéraux. La prescription avait commencé à diminuer à la fin des années 1960 et avait encore ralenti avec la diffusion de la théorie génétique des avortements spontanés, invalidant la théorie hormonale. Néanmoins, des prescriptions de Distilbène® chez les femmes enceintes ont été documentées en France jusqu’au début des années 1980. En l’absence d’un texte de synthèse sur les mises à jour du Vidal, de nombreux médecins sont demeurés dans l’ignorance des modifications d’indications.

L’euphémisation des dommages

C’est alors qu’intervint un personnage clef de l’histoire française du Distilbène®, le Dr Anne Cabau, dont les travaux alimentèrent une brève crise politique du dossier. D’une part, elle introduisit la question d’effets délétères multiples au-delà du cancer ACC ; d’autre part, ses résultats cliniques et épidémiologiques ont été utilisés dans une tentative de désectorialisation (Dobry, 1986). Le Dr Cabau était au début des années 1980 une jeune clinicienne gynécologue qui avait complété sa formation aux États-Unis. Elle suivait alors des jeunes femmes pour infertilité et découvrit que nombre d’entre elles présentaient des anomalies de l’utérus qu’elle rapprocha des travaux américains sur les filles DES. Elle décida de mener une enquête sur la descendance de femmes ayant ingéré du Distilbène® au cours de leur grossesse et utilisa, via ses contacts professionnels, la revue de la MGEN pour toucher les adhérentes. Aucun cancer ne fut documenté dans son corpus et le jeune âge de la grande majorité des filles DES ne lui a pas permis de repérer de problèmes de fertilité, mais l’enquête de 1981 montra une augmentation du taux de cryptorchidies chez les fils DES. Dans la lettre envoyée aux femmes désirant participer à l’enquête MGEN, le Dr Cabau suggéra des conduites de vigilance et d’anticipation : « si votre fille désire une grossesse, une radiographie de l’utérus est souhaitable pour rechercher s’il y a une anomalie ». Parallèlement, elle publia en septembre 1982 une revue de la littérature américaine accompagnée de la série de cas cliniques de malformations de l’utérus et de troubles de la reproduction qu’elle avait rassemblés.

En février 1983, les résultats du Dr Cabau furent repris dans Le Monde, sous le titre « Les enfants du Distilbène® : une monumentale erreur médicale ». Cet article fit l’objet d’une intense couverture médiatique, écrite et audiovisuelle, créant une forte pression sur les institutions sanitaires et la profession médicale. Celles-ci adoptèrent un ton extrêmement rassurant : l’enquête MGEN « semblerait fort heureusement indiquer que le phénomène n’a pas la même ampleur ni la même gravité que dans d’autres pays » . En mars 1983, l’avis de la Commission nationale de pharmacovigilance n’évoquait ni le sur-risque d’avortements tardifs, ni celui des grossesses extrautérines (GEU), pourtant documentés dans la littérature américaine, mais indiquait simplement que les filles exposées menaient un peu moins de grossesses à terme. Loin de leur recommander une hystérographie, la Commission conseillait aux médecins de pratiquer un frottis vaginal annuel « en cas d’anxiété de la part de la famille ou de la jeune femme » . La ligne du discours institutionnel et professionnel témoigne de ce que l’information aux femmes et le débat public étaient conçus comme une source d’« anxiété » et de « panique » entraînant des conduites irrationnelles, jamais d’émancipation. C’est également cette ligne qui motiva la dénonciation des travaux du Dr Cabau accusée de « sensationnalisme » et de publicité personnelle . Dans une deuxième communication en juin 1983, la Commission mentionnait certes le risque de GEU, mais n’en tirait pas des recommandations de surveillance systématique, invitant simplement à une surveillance s’inscrivant dans une stratégie de « vigilance tranquille ». Dans les suites de l’effervescence médiatique de l’hiver 1983 entourant le Distilbène®, un groupe de chercheurs mobilisé par l’INSERM à la demande du ministère de la Santé, mena une étude dirigée par Alfred Spira, rapidement publiée dans une revue d’épidémiologie (Spira et al., 1983). Elle évalua à 200 000 le nombre de femmes traitées en France et à 160 000 les naissances d’enfants exposés. Ces nombres – cités depuis 30 ans sans enquête complémentaire – furent établis sur la base des répertoires de vente des laboratoires et des pratiques connues ou supputées de prescriptions, celles-ci s’avérant très variables selon les médecins. La distance temporelle était déjà considérée comme trop importante pour bâtir une étude épidémiologique. Le groupe émit des propositions en faveur de l’information des populations exposées, mais sur un mode extrêmement contrôlé. S’appuyant sur l’ensemble de la littérature publiée et pointant les nombreux sur-risques identifiés, des recommandations furent faites aux médecins en faveur d’un suivi clinique de la descendance, filles et garçons ; mais ces recommandations présupposaient que les familles connaissent leur exposition. Les experts ne se plaçaient jamais dans une situation où les femmes auraient pu ne pas savoir, alors qu’aucun canal d’information n’avait été mis en place pour elles et que la crainte de « l’affolement » plaidait systématiquement en faveur du silence. Sur le plan de la recherche, le groupe INSERM préconisait la création d’un registre des cancers ACC, mais ni ce registre ni aucune cohorte ne furent constituées. La possibilité d’interroger systématiquement les prescripteurs sur leur patientèle exposée ou celle d’inciter les femmes ayant reçu du DES à se faire connaître ne semblent pas avoir été envisagées.

Une délégation vers des médecins peu informés

La désectorialisation du dossier a donc échoué : les résultats du Dr Cabau ont été minimisés, la diffusion des alertes a été critiquée et le corps médical français a été confirmé comme le seul compétent sur la question. Seul le groupe INSERM concluait à une nécessité de formation et d’information de la descendance. A contrario, la réponse à la question parlementaire posée à l’hiver 1983 dépeignait une situation de connaissance et d’information quasiment idéale : « En ce qui concerne les mesures préventives, il ressort que les gynécologues et spécialistes de notre pays sont bien au courant de la question et ce, depuis 1971, et que le degré d’alerte de tout le corps médical semble suffisant. Néanmoins, la Commission nationale de pharmacovigilance a jugé bon de reformuler les recommandations […] et tous les grands quotidiens et la presse professionnelle s’en sont fait largement l’écho. On peut considérer que le public est donc aussi largement informé » . Face à cette expression officielle d’un déni d’agenda (Cobb et Ross, 1997) pour le « problème Distilbène® », notre enquête témoigne de demandes d’information de la part des patientes et d’échanges de courrier avec leurs médecins à cette époque. Cependant, les connaissances existantes sur le DES n’y furent pas systématiquement diffusées et leur pérennisation ne fut donc pas acquise. Que ce soit par absence d’intérêt spécifique sur le sujet, du fait d’une formation insuffisante ou par manque de vigilance collective, un oubli massif fut ainsi produit et répété à l’échelle de la médecine française. En témoignent quatre tentatives publiques infructueuses pour mobiliser la profession médicale entre 1988 et 2011. Chaque fois que le dossier français était rouvert, les autorités constataient que les médecins méconnaissaient le problème ou n’en informaient pas leurs patientes. En février 1988, la direction générale de la Santé réunit un groupe de cliniciens en vue de rédiger une brochure d’information, sous la pression de la première association créée en France en 1986, DANES 45, basée dans le Loiret. Tout en confirmant l’ignorance massive du problème, ce groupe insistait sur l’inutilité de centres de référence spécialisés et prônait le maintien d’un circuit strictement professionnel de l’information : « une brochure pour le public n’est pas souhaitée par les participants (à l’exception de 2 personnes qui l’estiment absolument nécessaire) ». Cette brochure fut envoyée aux médecins, sages-femmes et gynécologues-obstétriciens en 1989. Le petit groupe de cliniciens formé en 1988, principalement composé de gynécologues obstétriciens pouvant faire le constat d’une déficience de prise en charge des filles et de l’échec de cette première brochure, a commencé à participer à des réunions d’information collective pour les filles Distilbène®. Cela les a amené à se rapprocher d’Info-DES, seconde association, créée en 1990. Aussi, quand cette dernière organisa la déclinaison française d’une semaine européenne de sensibilisation sur le DES, ces cliniciens ont relayé dans la presse la nécessité d’un « dépistage » des 80 000 filles exposées. Des recommandations, telles qu’une hystérographie systématique en situation de désir d’enfant, furent ainsi diffusées par la presse médicale et généraliste en avril 1992. Parallèlement, la DGS expédia à nouveau la brochure de 1989, accompagnée d’une lettre du directeur général de la Santé.

En dépit de ces campagnes ponctuelles, au début des années 2000, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) fut alertée par la troisième association créée en 1994, Réseau DES , de l’ignorance généralisée des problèmes associés au DES. Entre temps, la totalité des filles étaient entrées dans l’âge procréatif et certaines rencontraient des problèmes obstétricaux importants décrits dans la littérature américaine depuis la fin des années 1970. Reprenant les recommandations élaborées par Réseau DES et le groupe de gynécologues mobilisés, l’Afssaps envoya début 2003 un courrier à tous les médecins généralistes et gynécologues-obstétriciens. Le courrier de l’Afssaps indiquait désormais qu’il « est nécessaire de penser à une exposition in utero à l’interrogatoire chez toute femme née avant 1977 », voire qu’une « exposition au D.E.S. in utero doit être recherchée de façon systématique » . Mais, ces injonctions, 25 ans après la contreindication du DES, ont produit un effet limité : une enquête de l’Afssaps, menée en 2010, indiquait que seule la moitié des gynécologues connaissait l’ensemble des conséquences de l’exposition. Ceci a motivé l’actualisation de ses recommandations en 2011. Si une partie des gynécologues est aujourd’hui a minima informée, ces timides et tardives actions d’information amènent au constat complémentaire que nombre d’entre eux ne le sont pas. Nos entretiens avec certaines filles DES, tout comme les témoignages recueillis par les associations montrent que des gynécologues-obstétriciens déclarent n’avoir « jamais vu de filles DES », que des femmes souffrant depuis longtemps de symptômes cliniques typiques ont découvert la cause de leurs problèmes à l’occasion d’articles parus sporadiquement dans la presse féminine dans les années 1990, de la diffusion télévisuelle d’un documentaire en 2002 ou de la publicité faite à des arrêts de justice depuis. Le choix d’une diffusion des connaissances auprès des seuls professionnels de santé a eu pour conséquence l’impossibilité pour une grande partie des populations exposées de connaître son statut et d’exercer une vigilance vis-à-vis des risques qu’elles-mêmes ou leur descendance encouraient, alors même que, selon l’Afssaps, « le rôle des patientes exposées au DES est crucial pour la transmission aux générations suivantes de leur “mémoire” sur les conditions d’exposition » .

2. Des limites imposées à la production et à la diffusion des savoirs

De nombreux travaux ont décrit l’irrésistible ascension de l’evidence-based medicine (EBM), évaluation stabilisée des savoirs médicaux sur la base de l’expérimentation sous la forme d’essais contrôlés randomisés (Marks, 1999) et de la construction de grandes cohortes (Aronowitz, 2011). Cette dynamique a conduit à la durable marginalisation d’autres façons de faire de l’épidémiologie (Buton et Pierru, 2012), et en conséquence à ignorer de nombreuses connaissances déjà accumulées, notamment en contexte professionnel (Sellers, 1997). Elle a également délégitimé des savoirs cliniques, jugés insuffisamment fondés et éprouvés (Dodier, 2003). Les cliniciens se sont alors largement engagés, à l’échelle internationale, dans la fabrication de consensus par l’organisation de conférences et la diffusion de guides de bonnes pratiques professionnelles (Timmermans et Berg, 1997). Le cas du Distilbène® éclaire la face cachée de cette transformation des modes de preuve : d’abord, en soulignant que l’adoption de ces nouvelles procédures n’implique en rien leur usage immédiat et généralisé. Ainsi, l’un des tout premiers essais contrôlés randomisés en population humaine a démontré l’inefficacité du DES dans la prévention des fausses couches (Dieckmann et al ; 1953). Cela n’empêcha pourtant ni sa commercialisation ni son usage dans les décennies qui suivirent. Ensuite, l’histoire du DES rappelle la lourdeur et la complexité des dispositifs à mettre en place pour répondre aux exigences des canons épidémiologiques. Ces difficultés s’accroissent lorsqu’il s’agit d’expositions passées. Enfin, les critères de l’EBM laissent dans un angle mort de nombreuses pratiques et savoirs cliniques, qui demeurent locaux, et peuvent même être oubliés.

Des savoirs cliniques nouveaux mais peu partagés

Dans le cas du DES, un petit groupe de cliniciens a inventé et adapté dans l’ombre des pratiques pour faire face aux maux des filles Distilbène®. À partir du début des années 1990, sous la houlette d’Info-DES, ces médecins organisaient régulièrement des réunions d’information au sein de leurs structures hospitalières . Mais la publicité qui en fut faite était toujours d’origine associative et ne recouvrait aucun caractère officiel. En 1996, le Dr Cabau décida d’ouvrir bénévolement une consultation spécialisée à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris, sans bénéficier d’un soutien financier de l’administration hospitalière. Lorsqu’ils étaient situés hors de Paris, les lieux spécialisées furent encore moins visibles et l’un des rôles principaux des correspondants régionaux de Réseau DES, fut d’orienter les femmes vers ces structures. Aujourd’hui encore, ces consultations ne sont pas répertoriées sur le site de l’Assistance Publique et aucun budget ne leur est dédié, rendant inopérante la recommandation de l’Afssaps en 2011 de « diriger la patiente vers un spécialiste ayant l’habitude de ce type de prise en charge ». Pourtant, les rares médecins engagés n’ont guère cessé de développer des savoirs et savoir-faire adaptés. Sylvie Epelboin, spécialiste de l’assistance médicale à la procréation (AMP) à SaintVincent-de-Paul puis à Bichat, a accueilli un nombre croissant de filles exposées dans sa file active . Sensible au fait que l’exposition aux hormones avait été délétère chez ces femmes et que l’usage massif d’hormones dans les procédures d’AMP n’a pas toujours été scientifiquement évalué, elle a adopté des conduites de prudence. En cas de succès de la fécondation in vitro, elle a opté pour l’implantation d’un embryon unique chez les filles DES, dont l’utérus est moins bien développé et moins bien vascularisé. Le Dr Epelboin a bien essayé de documenter de façon systématique la prévalence des filles exposées dans les consultations d’AMP, mais elle n’a pu obtenir qu’un item « Distilbène® » soit ajouté aux questionnaires types adressés aux femmes dans l’ensemble des centres spécialisés. Elle a également lancé des protocoles de recherche sur la base de sa file active, mais ceux-ci n’ont pas été suffisamment étendus pour gagner une puissance statistique. Si elle n’a cessé de communiquer dans les congrès spécialisés, elle n’a que peu publié sur cette question. Cette prise en charge n’a donc pas fait l’objet d’évaluation au sens de l’EBM. Les techniques de prise en charge des grossesses ont suivi la même trajectoire. Le Dr Anne Cabau et le Pr Michel Tournaire ont défendu l’usage du cerclage du col comme mesure préventive des fausses couches. En France, le cerclage était généralement préconisé après plusieurs événements indésirables. Les médecins qui le prescrivirent en première intention aux filles DES furent donc rares :

« Alors cette femme, […] je lui dis : “en France, certains attendent trois accidents”. Et elle me dit : “c’est moi”, “pourquoi ?”, “parce que j’ai fait trois fausses couches à 19, 21 ou 20 semaines, et on m’a dit : la prochaine fois, on va vous faire un cerclage”… Et donc, moi j’attends pas qu’elles aient fait leurs accidents » .

Cette technique préventive a fait l’objet de controverses durables, son adoption dépendant donc du service. À Saint-Vincent-de-Paul, seul le Pr Tournaire pratiquait ce type de cerclage sur les filles DES et ce n’est que lors de son départ à la retraite en 2011, que le service s’est inquiété de la transmission de son savoir spécifique à d’autres cliniciens. Une autre technique, l’hystéroplastie d’agrandissement (HPA), a également fait l’objet de controverses depuis la fin des années 1980. Il s’agissait de permettre aux filles exposées de retrouver un utérus fonctionnel par agrandissement de sa cavité. Si les tenants de cette pratique soulignaient son efficacité, mesurée par le taux de grossesses menées à terme, les critiques pointaient les risques induits par un utérus cicatriciel. Lorsque Réseau DES a mis en place un conseil scientifique en 1998, l’HPA fut débattue et, faute d’accord, entraîna la sollicitation de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES). Cette dernière indiqua dans son rapport de 2002 le caractère limité et méthodologiquement faible de la littérature, invitant à la poursuite d’études cas-témoins et récusant l’HPA en première intention. Dix ans plus tard, la pratique demeure controversée en l’absence de nouveaux savoirs consensuels. Enfin, c’est sans doute dans la prise en charge des cancers ACC que les savoirs cliniques les plus originaux ont été développés en France, à l’Institut Gustave-Roussy (IGR) au sein de l’équipe du Dr Alain Gerbaulet. À la différence des États-Unis qui optaient pour des chirurgies mutilatrices dans un souci d’éradication ou de prévention, l’équipe de l’IGR mit au point une curiethérapie qui préservait les organes, associée à une chirurgie conservatrice. Le traitement en était personnalisé, en fonction de l’anatomie et de la localisation des tumeurs de chaque patiente. La conservation rendue ainsi possible des ovaires, du vagin et de l’utérus était essentielle pour des patientes n’ayant parfois pas achevé leur croissance et, plus généralement, pour préserver les possibilités d’une vie sexuelle et reproductive. Ces travaux ont fait l’objet de publications internationales et ont également connu une certaine publicité lorsqu’une ancienne patiente du Dr Gerbaulet a donné naissance à un enfant en 1991. Cette première européenne a en effet donné lieu à des articles de presse généraliste ou féminine. Depuis, quelques autres grossesses ont été menées à terme parmi la soixantaine de patientes traitées à l’IGR. Ces quatre pratiques cliniques n’ont fait l’objet d’aucune reconnaissance officielle. Seules les associations diffusaient les coordonnées des services, organisaient des réunions, publiaient des entretiens avec des cliniciens spécialisés, générant de fait un flux de patients et constituant progressivement ces médecins comme des « spécialistes ». À partir de la fin des années 1990, cette activité s’est formalisée avec la création du conseil scientifique de Réseau DES, la production de brochures d’information clinique et la mise en place de sites web et de listes de discussion associatifs . Symétriquement, les femmes ne connaissant pas leur exposition, les risques induits ou l’existence des associations furent le plus souvent condamnées à une longue errance diagnostique et clinique, voire à des traitements inadaptés et iatrogènes. Le savoir sur les patients exposés se présentait sous une forme éclatée. Le premier colloque dédié à la question s’est tenu en 2011, toujours à l’initiative de Réseau DES. De plus, les savoirs cliniques, adaptés de pratiques antérieures, n’ont fait l’objet que d’évaluations limitées, la raison évoquée étant le plus souvent la faible population des files actives. On retrouve donc ici le premier facteur d’ignorance : l’absence de connaissance des populations. Mais cette limite renvoie également à l’absence de développement d’une autre forme de savoir fondée sur des études multi-centriques ou la construction de grandes cohortes. Les cliniciens du DES ne développent pas une critique politique de l’EBM au nom de la clinique traditionnelle individuelle à la manière de certains pédiatres oncologues (Castel et Dalgalarrondo, 2005), mais bricolent des savoirs spécialisés en confrontant des observations empiriques de leur file active générée par les associations et les résultats épidémiologiques produits dans la littérature internationale. Cela met à jour un paradoxe de l’evidence-based medicine : faute de dispositif de surveillance des risques émergents associés au DES, pourtant partiellement connus, l’exposition de vastes populations est ignorée et l’exigence de puissance statistique a conduit à très peu diffuser les savoirs ne répondant pas à ce canon.

Des cohortes américaines et néerlandaises, mais pas françaises

Les recommandations en faveur d’un registre des cancers ACC émises en 1983 par le groupe INSERM sont restées sans effet. Les experts pointaient l’absence de significativité de l’enquête MGEN du Dr Cabau, n’incitant guère du même coup à des investigations sur les effets du Distilbène®. Le compte-rendu de la réunion des cliniciens à la direction générale de la Santé, en février 1988 affirmait qu’il était « inutile de poursuivre l’enquête sur les conséquences du DES ». Ce positionnement renvoie aussi aux problèmes spécifiques posés par des cohortes DES, fondées sur une exposition antérieure et difficile à connaître du fait de l’ancienneté des prescriptions. En l’absence d’une traçabilité préalable des prescriptions médicales, la construction d’une mémoire pour le futur apparaît délicate (Torny, 2003). Ces difficultés ont pu néanmoins être surmontées ailleurs, comme le montre l’élaboration de la cohorte américaine DESAD (Dietylstilbestrol Adenosis) en 1974. Le DESAD Project est une étude observationnelle des filles exposées in utero. La constitution de cette cohorte a nécessité de remonter aux enregistrements médicaux de 1940 à 1972, d’abord dans les maternités à partir des dossiers de naissance des filles, puis chez des médecins de ville. Les femmes auxquelles le produit avait été prescrit étaient ainsi identifiées, puis contactées, en utilisant notamment les annuaires téléphoniques afin de les localiser. Ensuite leur descendance pouvait être recrutée. Cette opération supposait que chaque mère identifiée reçoive une information sur son exposition et sur les effets indésirables du DES chez ses filles. Plus de 220 000 dossiers médicaux durent être analysés pour identifier 4 830 femmes exposées. La cohorte DESAD produisit des résultats innovants en termes de vigilance sanitaire et c’est encore la base sur laquelle des études prospectives investiguent les risques associés au DES. Les Pays-Bas offrent un autre exemple de construction a posteriori de cohorte, à une distance temporelle des prescriptions plus importante encore. En 1981, la première association de victimes fut créée et des campagnes d’information furent rapidement menées, ainsi qu’une évaluation quantitative de la population cible via les chiffres de vente, puis un rétrocalcul épidémiologique. Les actions judiciaires furent engagées en 1986, mais en 1992 les règles générales de responsabilité juridique furent modifiées, ce qui rendait improbable la réparation par les laboratoires et plaida en faveur de la création d’un fonds d’indemnisation. C’est à cette époque que fut lancé un appel aux femmes auxquelles du DES avait été prescrit afin qu’elles se fassent enregistrer en vue de bénéficier du futur fonds d’indemnisation. Contrairement aux Américains, qui remontèrent dans le temps à partir de données médicales, les Néerlandais constituèrent leur cohorte par autodéclaration des femmes. Un travail épidémiologique de construction de cohortes fut mené à partir de ce registre, en vue d’observer les maladies à venir des filles ou de leurs propres enfants. Les Pays-Bas usèrent également d’une autre stratégie de biais. À la cohorte OMEGA construite antérieurement sur les patientes en FIV (fécondation in vitro) une question fut ajoutée sur la prise de DES par la mère. Cette recherche alerta sur deux cas d’hypospadias chez des petits-fils DES nés par FIV, ce qui motiva une micro-enquête sur une sous-cohorte DES qui fit apparaître en 2002 un taux 5 fois plus important chez les garçons de la 3e génération que le taux de référence en population générale. Ainsi furent recherchés, documentés et publiés les premiers effets transgénérationnels. Ces deux exemples soulignent le coût et les difficultés de construction de cohortes rétrospectives respectant les canons de l’EBM. Elles montrent aussi l’importance des coalitions entre associations de victimes, cliniciens et épidémiologistes partageant un même horizon cognitif et politique dans la production de nouvelles connaissances sur les expositions au DES, dont la liste des effets délétères n’était pas considérée comme close, et danns l’obligation d’information et de suivi des populations exposées.

Des stratégies limitées de rattrapage

En France, les premières connaissances proprement épidémiologiques sont produites à la fin des années 1990: elles traitent d’une question jusqu’alors marginale, les effets psychiatriques du Distilbène® sur la deuxième génération. À cette époque, Réseau DES a été sollicité sur la question des effets psychiatriques sur les enfants – garçons et filles – par un père dont les 3 enfants exposés in utero s’étaient suicidés après des épisodes psychopathologiques survenus à l’adolescence. René Alexandre s’était lancé dans une investigation de la littérature, avait commencé à fédérer des familles et à constituer une collection de cas. En mars 2000, le conseil scientifique de Réseau DES, essentiellement composé de spécialistes de la gynécologie et de l’obstétrique et peu au fait de ces problématiques, sollicita alors l’Afssaps. Cette dernière soutint financièrement une recherche menée par la psychiatre Hélène Verdoux à partir de la cohorte E3N constituée de 100 000 femmes adhérentes de la MGEN, à la manière de l’étude des Néerlandais à partir de la cohorte OMEGA. L’enquête a conclu qu’il n’y avait pas de risque significativement augmenté parmi les enfants exposés. Ce premier partenariat entre l’Afssaps et les associations s’inscrivait dans une dynamique de recherche participative incluant des associations et a ouvert une période de collaboration sur les bases de l’EBM. Tout en réaffirmant l’impossibilité de créer des registres Distilbène® en 2005, l’Afssaps favorisa la mobilisation d’épidémiologistes sur les petites cohortes cliniques formées dans les décennies précédentes et réunit à deux reprises, en 2005 et 2010, un groupe d’experts pour faire le point sur les connaissances des effets délétères de l’exposition . Cette collaboration s’est poursuivie avec le financement d’une nouvelle enquête cas-témoins, lancée en 2013 à l’initiative de Réseau DES, avec le soutien de la Mutualité Française. Celle-ci porte pour la première fois sur les effets indésirables subis par trois générations. Elle a été élaborée dans un contexte de production de nouveaux résultats épidémiologiques : d’une part, une controverse issue des résultats divergents des cohortes américaines et néerlandaises sur le sur-risque de cancer du sein des filles Distilbène®, d’autre part, un article portant sur le sur-risque de malformations génitales des petits-fils (voir infra). Rendus publics en décembre 2014, les résultats confirment des surrisques pour les deuxième et troisième générations (Réseau DES, 2014). Mais si l’Agence finance, le design de la cohorte Distilbène 3 générations, son analyse et la publicisation des résultats sont restés l’œuvre de l’association et de ses alliés cliniciens et épidémiologistes, les institutions sanitaires restant très en retrait. Cette cohorte tardive s’inscrit donc dans le traitement continu de l’information médicale et épidémiologique sur le DES en France : la production de connaissances s’est toujours effectuée sous la pression associative et avec le concours des associations, et non à l’initiative des sociétés savantes ou des institutions de santé publique.

3. Un isolement prolongé du dossier

Les sciences sociales se sont penchées sur l’émergence de nouveaux dossiers sanitaires et les manières dont des groupes ont su enrôler les autorités publiques (Henry et Gilbert, 2009). On peut distinguer trois manières d’accéder à cette reconnaissance. D’abord, le consensus relatif à l’exceptionnalité d’un problème conduit à un traitement en singularité : c’est notamment le cas du sida, des maladies à prions ou, à une échelle plus modeste, des victimes des essais nucléaires français (Barthe, 2010). Ensuite, un mouvement de montée en généralité amène à inventer de nouvelles catégories et dispositifs afférents : on peut citer l’exemple des maladies nosocomiales (Carricaburu et Lhuilier, 2009), du syndrome du bâtiment malsain (Murphy, 2006) ou de l’hypersensibilité environnementale (Chateauraynaud et Debaz, 2010). Enfin, des logiques de coalition, que ce soit entre acteurs associatifs ou avec des chercheurs et des professionnels de santé, produisent des dispositifs de financement et de recherche, comme dans le cas des maladies rares (Huyard, 2012) ou du Téléthon (Rabeharisoa et Callon, 1998).

Le dossier du Distilbène® est demeuré longtemps isolé en fonction de trois logiques complémentaires. Premièrement, l’affirmation d’une capacité de prise en charge par les professionnels du système de santé a empêché la reconnaissance d’une spécificité médico-sociale du DES. Deuxièmement, le Distilbène® a été durablement tenu pour un accident médicamenteux unique. Il a fallu le scandale du Mediator® fin 2010 pour réactiver les interrogations relatives à la pharmacovigilance, le DES apparaissant, a posteriori, comme un précédent emblématique des failles de la surveillance des effets délétères à long terme. Troisièmement, alors qu’aux États-Unis, le DES a été l’un des constituants essentiels du dossier des perturbateurs endocriniens au tout début des années 1990, c’est au début des années 2000 qu’en France, cette catégorie a produit un effet en retour sur le traitement public du Distilbène® . Nous allons évoquer rapidement la première logique sur la base d’un exemple, avant d’analyser en détail les deux suivantes. Quand la dangerosité du DES a été prise en considération en France, ses dommages ont été jugés insuffisamment importants pour que le dossier engage des mesures dérogatoires. En témoigne tout particulièrement la longue histoire du congé maternité des filles Distilbène®. Dès la fin des années 1980, les associations ont revendiqué un congé spécifique en s’appuyant sur les connaissances cliniques : les femmes sujettes à des avortements spontanés tout au long de leur grossesse auraient ainsi de meilleures chances de les mener à terme. Les associations ont essuyé de nombreux refus, notamment de la part de la Sécurité sociale qui craignait que cette disposition n’ouvre la voie à d’autres demandes ; elle les renvoya donc à une prise en charge commune. Ce n’est que fin 2004, qu’une disposition législative a été votée. Quand les décrets d’application ont été signés en 2006 pour les salariées du privé et en 2010 pour celles de la fonction publique, la plupart des filles DES avaient déjà passé l’âge de procréer. De plus, ces décrets sont demeurés mal connus, et dans les entretiens qu’ils nous ont accordés, les obstétriciens spécialisés se plaignaient de devoir eux-mêmes régulièrement informer les caisses de la CNAM de l’existence de droits spécifiques.

Le Distilbène® comme accident médicamenteux exceptionnel

La possibilité de penser les effets du Distilbène® comme des propriétés plus générales de l’exposition in utero à certaines substances a été battue en brèche tout au long de son histoire. Les cancers à retardement décrits en 1971 ont favorisé le traitement du DES comme une exception. Les autres tératogènes, particulièrement la Thalidomide®, avaient en effet montré leurs effets dès la naissance des enfants exposés . Cette singularité, a découlé de l’ignorance produite par les limites des dispositifs de pharmacovigilance, mais elle a également été renforcée par les médecins les plus mobilisés. Ainsi, dans les années 1970, lorsque J. Henry-Suchet mena ses investigations sur une file active de filles exposées, elle compara deux groupes de patientes : les premières exposées au DES, les secondes à une autre hormone, l’éthynilestradiol. Les adénoses n’étant pas sur-représentées chez ces dernières, ses appels à la vigilance se concentrèrent sur le DES. Ce ne sont donc pas toutes les hormones administrées aux femmes enceintes qui ont été soupçonnées, mais seulement l’une d’entre elles.

Cette logique s’est poursuivie dans les raisonnements qui guident les prescriptions faites aux populations exposées : parmi les rares recommandations données spécifiquement aux filles DES, le souci d’une contraception « adaptée » est très présent. Le sur-risque de GEU dissuada les prescripteurs de recourir au stérilet, au profit de la contraception hormonale. Les problèmes fréquents d’hypofertilité et le recours à l’AMP plaidèrent également en faveur d’un usage massif d’hormones. La création en 2003 d’une nouvelle association, « Les Filles DES », focalisée sur l’accès à la parentalité, renforça cette orientation. Les thérapies hormonales de substitution prescrites dans le cadre de la ménopause ne firent pas plus l’objet de soupçons spécifiques pour les filles DES : l’appel à la prudence vint tardivement au début des années 2000, comme pour la population générale. Pour les professionnels de santé et pour les patientes, le DES ne fut donc pas perçu en France comme un drame incitant un travail critique à l’égard de « l’hormonalisation des femmes » comme celui-ci avait pu être mené dès les années 1960 aux États-Unis (Löwy et Gaudillière, 2006). Les prolégomènes de la pharmacovigilance française se sont fondés sur la surveillance des effets aigus et à court terme. Le basculement vers l’étude systématique des effets à long terme et l’inclusion de la pharmacovigilance dans une démarche de cogestion avec l’industrie pharmaceutique à l’échelle mondiale (Demortain, 2015) aurait pu faire du DES un dossier exemplaire. Mais ce médicament n’avait quasiment plus de marché et les effets transgénérationnels qu’il avait provoqués n’avaient pas été observés pour d’autres molécules. Aussi, le Distilbène® pouvait-il être constamment renvoyé à un passé révolu, dont la répétition semblait impossible aux yeux des institutions de la pharmacovigilance :

«Je pense que cette histoire serait arrivée dix ans après, elle aurait été prise en compte beaucoup plus rapidement […] Alors ça maintenant, avec la traçabilité qu’on a, si le problème se posait aujourd’hui, ça je peux vous dire qu’il y aurait immédiatement un registre […] s’il fallait, je pourrais suivre une cohorte, si on mettait le DES sur le marché, des 180 000 femmes».

Quelques mois après cet entretien, le dossier du Mediator® faisait l’objet d’une mise en scandale, instituant la pharmacovigilance comme problème public. Le rapprochement entre les deux dossiers s’est cristallisé autour des soupçons des liens entre experts et firmes pharmaceutiques d’une part, et l’anticipation des difficultés à faire reconnaître judiciairement les dommages causés d’autre part (Fillion et Torny, 2015). L’association Les Filles DES fut la plus active sur ce terrain : sa présidente noua des liens étroits avec le Dr Irène Frachon, lanceuse d’alerte sur les effets délétères du Mediator®. Elle utilisa le dossier Distilbène® pour montrer qu’il y avait bien une carence structurelle de la pharmacovigilance et que le Mediator® n’était pas un accident isolé dû aux comportements déviants du laboratoire Servier qui le commercialisait. Elle rappela ainsi dans une dépêche AFP du 11 janvier 2011 : « Le Mediator® comme le Distilbène® sont des scandales de santé publique qui doivent faire l’objet de procès et non pas se résoudre dans des cabinets d’assureurs et de négociateurs […] Renoncer à une procédure judiciaire, c’est renoncer à la recherche de la vérité […]. Mais c’est également renoncer à une condamnation publique et dissuasive des laboratoires afin d’éviter que de tels drames puissent se reproduire à l’avenir ».

Dans cette logique réformatrice, Les Filles DES et Réseau DES participèrent aux groupes de travail des Assises du médicament en 2011, où elles furent parmi les rares associations en rapport avec la santé, face à de nombreux représentants de l’industrie pharmaceutique et des pouvoirs publics. Ainsi, alors qu’il avait été longtemps considéré comme une exception par ses effets spectaculaires et tardifs sur la descendance, le Distilbène® est tardivement devenu un précédent dans la série des accidents médicamenteux.

Un rapprochement très récent avec les causes environnementales

D’autres victimes du DES ont en effet tenté de rompre l’isolement du dossier, d’abord en le réintégrant dans l’ensemble des médicaments hormono-mimétiques. René Alexandre, mobilisé sur les effets psychiatriques, fut bientôt rejoint par d’autres parents qui créèrent en 2002 « Halte aux hormones artificielles pour les grossesses » (Hhorages). Ce déplacement vers les effets psychiatriques a suscité des tensions à l’intérieur de l’espace associatif, alors centré sur les effets reproductifs chez les filles. Elles ont été renforcées en raison du soupçon porté par Hhorrages sur l’ensemble des expositions hormonales in utero, particulièrement celles subies lors des procédures d’AMP, alors même que de nombreuses filles Distilbène® recouraient à ce type de procédure. La logique d’enquête scientifique a marqué les actions d’Hhorages, qui voulait produire des données à partir de l’accumulation de cas familiaux, comparant l’évolution psychiatrique de fratries en fonction de l’exposition hormonale in utero de chaque enfant. Cela a conduit à différents échanges avec l’Afssaps, avant le financement de l’enquête mentionnée plus haut. Mais cette recherche d’appuis scientifiques ne s’est pas limitée aux acteurs de la pharmacovigilance : portée par la recherche bibliographique initiale de René Alexandre et par le fait que deux fondatrices étaient d’anciennes chercheuses CNRS, l’association multipliait les rencontres. Ainsi, Hhorages a invité le Pr Charles Sultan, endocrinologue et clinicien spécialiste de la différenciation sexuelle, à donner une conférence lors de son assemblée générale d’octobre 2004. Parallèlement, des contacts avaient été pris avec André Cicolella, toxicologue connu pour son rôle de lanceur d’alerte sur les éthers de glycol (Jouzel, 2008), et à l’époque président de la Fondation Sciences Citoyennes. Ces contacts amenèrent l’association à intégrer le « Groupe de veille sur les perturbateurs endocriniens » et à organiser la venue d’Ana Soto, cosignataire de la déclaration de Wingspread, pour une conférence à Paris en novembre 2004. Alliée à des acteurs associatifs majeurs sur le dossier des perturbateurs endocriniens, Hhorages importa dans le dossier du Distilbène® des compétences scientifiques acquises sur des polluants environnementaux. Elle se dota en 2006 d’un conseil scientifique principalement composé de toxicologues, d’endocrinologues et de neuropsychiatres et mit en œuvre deux recherches utilisant les données familiales collectées dans la première moitié des années 2000. D’une part, l’association participa à une recherche axée sur les possibles effets psychiatriques induits par le Distilbène® ou l’éthynilestradiol, qui analysait les modifications épigénétiques au sein de familles et de fratries. D’autre part, la présidente d’Hhorages cosigna avec l’équipe de Ch. Sultan un article scientifique paru en 2011 qui décrit l’augmentation, parmi les petits-fils des femmes auxquelles du Distilbène® avait été prescrit, des hypospadias, affection typiquement recherchée comme effet des perturbateurs endocriniens. Ces résultats ont été largement commentés dans la presse généraliste et spécialisée, alors que les travaux néerlandais du début des années 2000 sur la même question demeuraient peu discutés : pour la première fois l’exposition au Distilbène® fut caractérisée en France comme un risque transgénérationnel. En s’appuyant sur ces travaux, Hhorages s’engagea dans la coalition du Réseau Environnement Santé (RES) qui regroupe notamment le WWF, Générations futures et divers collectifs de victimes d’expositions environnementales. C’est avec le Réseau Environnement Santé que l’histoire française du DES, vingt ans après la Déclaration de Wingspread, croise un groupe d’intérêts organisé, dont l’ambition est d’initier un nouveau modèle de santé publique sur la base de la santé environnementale. Le DES est alors mobilisé par le RES comme un précédent et un perturbateur endocrinien « modèle » présentant deux intérêts majeurs : d’une part un lien de causalité documenté entre l’exposition et les dommages, d’autre part une histoire longue, riche de possibles leçons (Nalbone et al., 2013). Ainsi, les débats publics internationaux sur le Bisphénol A ont popularisé l’idée que le moment d’exposition est au moins aussi important que la dose, pour évaluer la toxicité et la sécurité d’une substance (Vogel, 2013). Dès lors, peu importe l’origine de l’exposition, qu’elle soit alimentaire, intradermique, respiratoire ou médicamenteuse. Cette idée, au cœur du paradigme de la perturbation endocrinienne, engage à reconfigurer radicalement l’évaluation des risques liés à de multiples substances chimiques, et notamment certains pesticides.

Conclusion

Nous avons identifié trois processus permettant de comprendre la marginalisation du dossier Distilbène® : l’absence d’identification des populations exposées, la faible accumulation et diffusion des connaissances, l’isolement durable du dossier. Ces processus s’inscrivent partiellement dans des catégories analysées par la sociologie de l’ignorance : on a vu comment certains médecins avaient été marginalisés en raison de leur volonté de rendre publics certains problèmes (Martin, 1986) et comment, de manière répétée, les autorités publiques ont refusé de produire des connaissances qui auraient répondu aux demandes des associations (Frickel et al., 2010). Cependant, notre analyse du dossier du Distilbène® permet de montrer d’autres dynamiques de production d’ignorance par rapport à la littérature existante. Premièrement, elle illustre les difficultés auxquelles les acteurs font face dans un monde dominé par les canons de l’EBM. En dépit de critiques constantes et d’échecs manifestes à repérer des problèmes sanitaires (McGoey, 2012), les essais cliniques randomisés et les grandes cohortes demeurent les formes de preuve dominantes pour les autorités publiques et la profession médicale. Ces dispositifs sont longs et coûteux à bâtir et maintenir, et nous avons montré que cela peut amener à y renoncer, au risque de considérer qu’aucune nouvelle connaissance ne peut ou ne doit être produite. Cela n’empêche pas d’autres savoirs d’être élaborés ailleurs, mais cela limite leur diffusion et plus encore leur reconnaissance. Deuxièmement, le cas du Distilbène® nous amène à penser différemment la question du maintien du silence. Le public n’est pas ici laissé dans l’ignorance pour préserver des intérêts institutionnels ou marchands (Proctor, 1995) dans une logique de déni d’agenda, mais explicitement pour le « protéger de lui-même », la connaissance des profanes étant systématiquement considérée comme une source de panique et non d’action raisonnée. Troisièmement, notre article souligne une partie des limites concrètes de la démocratie sanitaire. Si la place des associations a été reconnue par l’Afssaps à la fin des années 1990, l’exercice du droit des malades présuppose la connaissance des médecins et la reconnaissance des malades. Or, comme on l’a vu, ces deux propriétés sont absentes pour la plupart des personnes exposées en situation de prise en charge médicale. Au terme de cette histoire, il ne s’agit pas d’écarter les sources intentionnelles d’ignorance : à de nombreuses reprises, la parole de nos enquêtés et des documents publics pointent le déni de nombreux gynécologues face aux dégâts du Distilbène®. Anciennement prescripteurs, parfois de leurs proches, ils seraient dans l’incapacité de faire face à leurs erreurs passées. Symétriquement, la culpabilité des mères est invoquée de manière récurrente pour expliquer l’absence d’information de leur descendance. Mais ces seuls facteurs ne peuvent expliquer la durée et l’étendue de l’ignorance : les gynécologues des années 1990, et plus encore ceux d’aujourd’hui, n’ont jamais prescrit de DES, les acteurs institutionnels contemporains peuvent désormais s’appuyer sur une pharmacovigilance sophistiquée, et la multiplication des procès depuis les années 2000 a assuré la publicité du dossier. Seuls les facteurs plus structurels que nous avons mis en évidence permettent d’éclairer la marginalisation constante du Distilbène® qui, en dépit de l’institutionnalisation de la sécurité sanitaire, s’est maintenue. Ce résultat est d’autant plus important que ces facteurs d’ignorance sont également à l’œuvre dans le traitement des expositions environnementales (Calvez et al., 2015 ; Torny, 2013). Repérer les populations exposées et les informer, produire des connaissances validées tout en étant attentif à des savoirs cliniques localisés, désingulariser les affections liées à tel pesticides ou tel contaminant constituent des enjeux centraux pour saisir la problématique des perturbateurs endocriniens. Le DES et ses victimes ont indéniablement produit des connaissances nouvelles pour de nombreuses sciences de laboratoire (toxicologie, endocrinologie, épigénétique…). Mais pour qu’ils constituent un véritable précédent, il faudrait que l’expérience médicale, politique et sociale qu’ils ont produite soit aujourd’hui prise en compte, qu’ils ne soient plus simplement saisis comme une série de problèmes issus du passé à résoudre, mais comme la matrice d’investigations à venir.

Références

Emmanuelle Fillion, Didier Torny, halshs-01370188
Sciences Sociales et Santé, Vol. 34, n° 3, septembre 2016.

DES DIETHYLSTILBESTROL RESOURCES

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