Avancées juridiques du Distilbène : une jurisprudence aléatoire

Coline Salaris. Mobilisations en souffrance : analyse comparative de la construction de deux problèmes de santé publique : (familles victimes du Distilbène et agriculteurs victimes des pesticides). Science politique. Université de Bordeaux, 2015

Extrait

En vingt ans de procédures, le contentieux autour du Distilbène a produit des avancées notables ; le corpus juridique témoignerait par exemple, selon Maître Verdier, de bonnes indemnisations en comparaison avec d’autres affaires en dommages corporels.

Les décisions du TGI de Nanterre de 2002 condamnant pour la première fois UCB Pharma, et établissant le lien causal du DES sur le cancer ACC des plaignantes, celle de la Cours d’appel de Versailles en 2004 confirmant cette condamnation pour faute en raison du maintien du produit dont les effets sont connus depuis 1953, et celle de la Cour de cassation en 2006 confirmant la faute d’UCB Pharma ont par ailleurs constitué des décisions essentielles, en ce qu’elles ont posé pour la première fois la possibilité d’un recours – et d’une victoire – pour les victimes du DES.

Ces premiers dossiers ont aussi permis de systématiser un recours aux expertises qui, si elles sont douloureuses pour les victimes, ont le mérite de considérer la complexité du problème.

D’autres décisions comme l’inversion partielle de la charge de la preuve en 2009 ont également pu apparaître comme des avancées notables dans le contentieux autour du Distilbène.

Cette dernière décision n’a cependant jamais dispensé les victimes de démontrer le lien de causalité entre leur pathologie et le DES. Les exigences de la démonstration pour les avocats demeurent donc importantes, d’autant que de nombreuses pathologies liées au DES sont attribuables à d’autres situations et sont donc toujours discutées par les laboratoires.

Face à l’impossibilité de fournir une preuve du dommage via un document-source – si ce n’est par leurs corps – les victimes se trouvent découragées à entamer une procédure. Dans ces conditions, la possibilité de créer un contentieux de masse et une forme de sécurité juridique établie pour les victimes est peu probable.

Dans le cas du Distilbène, malgré des avancées notables et des années de contentieux, la complexité du problème et la diversité des trajectoires victimaires a donc conduit à la constitution d’un corpus juridique novateur sur le plan juridique mais aléatoire, contribuant à décourager la plupart des victimes et à complexifier la dynamique collective de ce recours.

Références

  • Lisez la thèse complète Mobilisations en souffrance : analyse comparative de la construction de deux problèmes de santé publique : (familles victimes du Distilbène et agriculteurs victimes des pesticides) sur HAL archives-ouvertes, 23 Feb 2016.
  • Image crédit bhartiadministrativeservices.
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